lundi 25 février 2013

L'affaire Peytel ou la tuerie du pont d'Andert

Il est de ces affaires dont le nom parle à tous, longtemps après les faits.
C'est le cas de celle-ci, que les Bugistes retiennent sous le nom de "la tuerie du pont d'Andert".


Les faits

Le 1er novembre 1838, deux calèches venant de Mâcon, roulaient en direction de Belley, avec à leur bord, un notaire parisien fraîchement installé dans la capitale bugiste, Sébastien-Benoît Peytel, sa femme, Félicitie Alcazar Peytel et leur domestique, Louis Rey.
Sébastien Peytel


Quelques heures plus tard, le même notaire débarquait, affolé, chez un médecin, le Dr Marteau, le corps sans vie de son épouse dans la carriole.

Que s'était passé entre temps ?
Peytel expliqua que son domestique, après avoir tenté de lui voler de l'argent, avait tiré sur lui un coup de pistolet qui avait atteint sa femme. 
Il avait alors poursuivi le meurtrier qu'il avait tué à coups de marteau et laissé sur le chemin.

Sa version des faits ne satisfit pas le président du tribunal. 
Dès le lendemain, il fut placé en détention.
Il resta emprisonné à Belley jusqu'au 8 novembre, date à laquelle il fut transféré à Bourg-en-Bresse et condamné le 30 novembre.

Le plaidoyer de Balzac en faveur du notaire belleysan

Par quel hasard Honoré de Balzac se passionna-t-il pour l'affaire ?


Honoré de Balzac
Balzac et Peytel avaient eu l'occasion de se croiser à plusieurs reprises dans les cercles journalistiques parisiens, certes, Peytel étant aussi critique littéraire, actionnaire du journal "le Voleur" auquel Balzac collaborait et le véritable auteur d'un pamphlet à peine déguisé contre le roi, "la physiologie de la poire", même si publié sous un pseudonyme.








Mais surtout, le journal "Le Siècle" avait pour directeur littéraire Louis Desnoyers, natif de Roplonges dans l'Ain, vieil ami de Peytel qui avait fait, comme lui, des études au collège de Mâcon et dont il fut l'un de ses témoins à son mariage.


Louis Desnoyers 


Le 16 août 1839, l'acte d'accusation de Peytel fut publié dans la Gazette des tribunaux.

Le 30, il est condamné à la peine de mort.

Louis Desnoyers alerta ses connaissances, dont Balzac.


Balzac et le dessinateur Paul Gavarni séjournèrent dans l'Ain du 7 au 12 septembre. 

Ils obtinrent l'autorisation de s'entretenir avec Peytel en prison le 9.
Le 10, ils se rendirent sur les lieux du crime, au pont d'Andert, à une lieue de Belley et se livrèrent à une véritable enquête.
Balzac publia son plaidoyer du 27 au 29 septembre dans Le Siècle où il demandait la cassation, qui pouvait innocenter Peytel.
Il en fit une affaire personnelle, sans doute pour ne pas revivre une seconde erreur judiciaire, comme celle qui avait conduit son oncle sur l'échafaud, accusé du meurtre d'une fille de ferme. 


Après la condamnation, la défense se pourvut en cassation.

Dans un arrêt du 10 octobre, la décision de la cour d'assises de l'Ain fut confirmée par la chambre criminelle.
Balzac dénonce une instruction partiale et incomplète. 
L'accusation dressa de Peytel un portrait de calculateur cynique.
Il fut victime de la mauvaise réputation qu'il s'était faite à Paris puis à Belley où il menait un combat contre l'usure et où il s'était mis à dos l'évêque à qui il avait proposé de faire gratuitement les mariages des pauvres si l'Eglise renonçait à ses droits.
Et le fait qu'il ait accroché une ceinture de chasteté dans son cabinet, ne lui avait pas vraiment attiré la sympathie des femmes...


Qu'importe si Lamartine, dans une lettre qu'il adressa à son ami en prison l'assurant de "l'estime des gens illustres", attesta de la pureté de ces antécédents. 

Pour l'accusation et les jurés, il avait tué sa femme par cupidité, arguant du fait qu'il avait glissé les clauses de la communauté et du préciput dans le contrat de mariage sans l'assentiment de la famille. 
Pour Balzac, "l'accusation et l'instruction ont fermé les yeux sur les faits qui prouvaient en sa faveur, elles ont favorablement accueilli non pas les actes, non pas les faits à discuter, mais les dires et les calomnies qui pouvaient le perdre".

Peytel fut guillotiné le 28 octobre 1839 sur le champ de foire de Bourg-en-Bresse, "martyr de son honneur" selon son illustre défenseur.

Sources 
De nombreux ouvrages, articles et sites traitent de l'Affaire Peytel et de l'engagement de Balzac.
On ne citera ici que les travaux de Me Pierre-Antoine Perrod : "l'Affaire Peytel" de 1958 et "Nouveaux documents sur l'Affaire Peytel : la genèse d'une erreur judiciaire" paru en 1982,
"Balzac et l'Affaire Peytel, l'invention d'un plaidoyer" de Michel Lichtle paru dans la revue "l'année balzacienne" en 2002,
"Le drame du pont d'Andert" par Achille Récamier, paru dans les numéros 39 et 40 du bulletin de La Société savante le Bugey.





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