dimanche 11 août 2013

Le trafic du sel dans le Bugey au XVIIIe siècle (1/2)



Approvisionnement et taxation du sel  


Utilisé non seulement pour la cuisine et l'alimentation des animaux, le sel fut surtout durant des siècles le seul moyen de conservation des viandes et autres aliments jusqu'au XVIIIe siècle.


Le contrôle de l'approvisionnement de l'"or blanc", indispensable au transport des vivres lors des expéditions militaires, s'avéra primordial pour les différents royaumes.


Le transport du sel


Exploité dans les marais salants sur les littoraux méditerranéens et atlantiques depuis la Préhistoire, il était acheminé par voie terrestre via les "routes du sel", ou par voie fluviale.


Le commerce du sel constitua ainsi dès le Moyen Âge la grande activité commerciale de la vallée du Rhône.

Des convois de bateaux de sel remontaient le fleuve jusqu'à Seyssel (au Regonfle) où il était débarqué et transporté jusqu'à la Savoie et Genève à dos de mulets.




Illustration : lartdesmets.e-monsite.com

La circulation du sel fut continue durant tout le Moyen Âge.
Les bateaux, de grandes dimensions, pouvaient transporter jusqu'à 75 muids de sel. L'inconvénient majeur étant leur lourdeur et le fait qu''ils nécessitaient une main d'oeuvre très importante pour leur tractage, ils furent remplacés au XVe siècle par des bateaux réduits de moitié.


Instauration de la gabelle et organisation de la Ferme Générale

La gabelle, de l'arabe "kabala" signifiant taxe, impôt temporaire créé par Saint Louis en 1246 pour financer ses expéditions militaires, devint permanente sous Philippe VI de Valois au XIVe siècle. 

Ce dernier la généralisa à tout le royaume et attribua en 1343 le monopole de la vente du sel au pouvoir royal.

En Savoie, la gabelle fut officialisée par l'édit du 3 novembre 1560 et l'établissement des greniers à sel par celui du 27 septembre de la même année.


Rappelons que le Bugey ne fut rattaché à la France qu'en 1601 (si l'on excepte les années 1536-1559).

Côté français, la gabelle était recouvrée depuis 1578 par des intermédiaires qui avançaient son produit au roi et ponctionnait la population pour se rembourser en s'assurant un bénéfice.
Colbert, surintendant des finances, réorganisa ce système de perception des impôts directs en créant la Compagnie de la Ferme en 1661.
Le royaume fut ainsi divisé en plusieurs provinces : pays de petite et de grande gabelle, pays francs, pays de salines, pays de quart-bouillon et pays rédîmés.
Dans le pays de grande gabelle, le sel était fortement taxé et une quantité minimum de sel par foyer, "le sel du devoir", était imposée.


La Bresse et le Bugey étaient situés en pays de petite gabelle, où la consommation était libre mais majorée de la "crue du sel" ce qui rendait le prix quasi-similaire à celui des pays de grande gabelle. 


Le sentiment d'injustice devant cet impôt, dont étaient exemptés le clergé, la noblesse ainsi que les officiers royaux, était d'autant plus grand que la consommation de sel était indispensable. 
Dans certaines zones comme le Valromey, la viande de porc était la seule consommée par les populations et le paysan un grand consommateur de lard salé.

La vente de sel était assurée dans les villes d'importance moyenne par les "greniers royaux", gérés par la Ferme générale, à la fois lieux de stockage, bureaux d'administration et juridictions d'exception.


Pour le Bugey et le Pays de Gex, la justice des pays des gabelles se tenait à Belley, les greniers à sel à Belley, Lagnieu, Seyssel, Nantua et Gex.


Le grenier à sel de Belley avait été installé peu après 1700 sur le site de l'ancien hôpital (actuel conservatoire de musique à côté de la mairie) dans un bâtiment situé le long de la rue des archers (actuelle rue Recamier). 

Il était constitué d'un dépôt de sel en magasin et d'un tribunal pour les causes relatives à la gabelle.

Jusqu'en 1694, des chambres à sel, de simples lieux de vente, pouvaient être rattachées à un grenier à sel. Celle de Champagne-en-Valromey était rattachée au grenier de Belley.
En 1625, les ventes de sel dans les greniers de la généralité de Lyon se montaient à 50 muids à Lagnieu, 58 à Belley, 33 à Nantua et 12 à Seyssel. 


Les tribunaux jugeaient en dernier ressort jusqu'à un quart de minot (un demi-setier).
Créés en 1342 pour juger en première instance les contraventions aux ordonnances concernant les gabelles, ils étaient composés d'un président, d'un lieutenant, d'un grenetier, d'un avocat, d'un procureur du roi, de greffiers, d'huissiers et de sergents.

Ils furent supprimés par la loi du 10 mai 1770.

Parmi eux, nous pourrions citer Claude Anthelme Charcot (1686-1763), receveur des gabelles à Belley, M. Sauvage de Saint Marc, contrôleur de ce grenier en 1772 ou encore Antide Jenin de Montègre qui exerça la même fonction en 1784.
La justice des traites, quant à elle, se situait à Nantua pour les bureaux de Nantua, Dortan, Echalon, Gex, Verfoix, Collonges, Chatillon-de-Michaille, Seyssel, Champagne-en-Valromey, Belley, Serrières, Lagnieu, Alouette, Saint Rambert en Bugey et Poncin.
Les greniers à sel étaient appuyés par des bureaux et des postes.
Les postes se composaient d'un sous-brigadier et de plusieurs cavaliers pour les brigades à cheval, ou de gardes pour les brigades ambulantes.
Les Fermiers Généraux dirigeaient des contrôleurs, les fameux gabelous, chargés du recouvrement de cet impôt très impopulaire. 
Les gabelous étaient craints, détestés et accusés de s'enrichir sur le dos du peuple.



Illustration : http://genealegrand.pagesperso-orange.fr



Ils menaient de régulières perquisitions chez les particuliers, les visites domiciliaires et des fouilles au corps en toute impunité. Les accusations arbitraires étaient d'autant plus courantes que les arrestations des contrevenants donnaient lieu à des primes non négligeables.Les abus dont feront preuve les Fermiers Généraux aboutiront à l'abrogation de la Ferme en 1791.



D'importantes différences de prix existaient entre les provinces.

Entre 1781 et 1785, dans le Valromey, le minot était vendu entre 53 et 55 livres alors qu'il se négociait à 19 en Savoie, 15 en Franche-Comté, pays de salines et 5 dans le Pays de Gex, "franc de gabelle" depuis 1776. Le litron (environ 90 cl) se vendait à 18 sols soit pratiquement l'équivalent d'une journée de salaire d'un ouvrier agricole.


Ces différences de prix favorisèrent le développement du faux-sauvage


Sources

A. Dallemagne "Histoire de Belley"
P. Dufournet "L'entrepôt des sels du Regonfle Sous-Bassy"
A. Garreau "description du gouvernement de Bourgogne"
M. Marion "dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe s."
L. Percevaux "Histoire du Valromey"
L. Perrillat "les greniers à sel dans la seconde moitié du XVIe s. : installation et ressort géographique"
J. Peuchet "dictionnaire universel de la géographie commerçante"
J. Recurat, E. Le Roy Ladurie "l'état des ventes du sel vers 1625"
L. Trénard "le Bas-Bugey, la terre et les hommes"

Archives départementales de l'Ain, actes du pouvoir gouvernant et domaine public.  série A. 24 B 117.

www.livre.histoire.free.fr
www.echel.pagesperso-orange.fr
www.provinces.francaises.free.fr
www.sentier-des-gabelous.fr
www.pointsdactu.org
www.fr.m.wikipedia.org/wiki/Route_du_Sel

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire